Conférences science et foi

ou comment est diffusé par des scientifiques le mensonge d'une foi en compatibilité avec la science






Jeudi 27 septembre 2001, La science progresse, l'irrationnel déborde..., avec Claire Antoine (physico-chimiste), Daniel Boy (sociologue), Jean-Claude Boudenot (physicien), Bibliothèque Faidherbe, Paris 11ème arrondissement

Annoncée comme une entreprise de démystification des innombrables réussites de l'irrationnel, la conférence s'est muée en un satisfecit accordé aux religions dont la foi n'a bien entendu, selon les conférenciers, rien à voir avec les délires de l'astrologie, du paranormal etc...
La tiédeur et la fadeur des convictions rationalistes des deux scientifiques présents atteste de l'infiltration dans le milieu scientifique de la mode de la séparation des domaines de compétence, à savoir que science et religion ne doivent pas interférer car s'attachant à deux facettes différentes de l'humain.

Plus instructifs furent les résultats de sondages apportés par Daniel Boy, sociologue au Centre d'Etude de la Vie Politique Française à Paris. Depuis 20 ans, ce chercheur analyse l'adhésion de la population au surnaturel sous toutes ses formes. Il apparaît qu'aucune évolution sensible dans un sens ou dans l'autre n'est détectée et que les adeptes de ce genre de fadaises n'appartiennent pas forcément aux classes les moins instruites. Si la proportion de personnes se déclarant sans religion se place aux environs de 25%, il serait faux d'estimer identique la proportion d'athées. Nombreuses sont les personnes rejetant les religions au profit d'innovations ou de modes plus récentes comme le New Age ou le bouddhisme. La fraction réelle d'athées, caractérisés par un vrai rationalisme, n'est évaluée qu'à 4,3% par le sociologue, avec les sarcasmes habituels néanmoins: le sérieux propre à tout travail de recherche voit ses limites dans le simplisme de ce jugement très convenu.





Samedi 24 novembre 2001, Sagesse chrétienne et raison scientifique, Jean Dhombres (mathématicien), Pierre D'Ornellas (évêque), Xavier Le Pichon (géophysicien), Maison Notre Dame de la Sagesse, Paris 13ème arrondissement

Il est des conférences dont l'intention est aisément prévisible, pourvu que le lieu en soit considéré. Organisée par une église catholique pour un public catholique et sponsorisée par le journal La Croix, personne ne sera surpris de l'absence du point de vue athée pour exprimer l'absolue incompatibilité entre science et foi.

En introduction aux interventions, l'animateur de la conférence J.M. Guenois a rappelé avec une insistance qui frôlait la compassion les efforts infructueux du pape Jean Paul II sur les réhabilitations de Galilée et Darwin. Par contre, dans son ignorance des questions astrophysiques, J.M. Guenois s'est réjoui de la théorie du Big Bang qui avaliserait, à ses yeux, les conceptions chrétiennes simplistes sur la formation, ou plus exactement la création dans l'imaginaire chrétien, de l'univers. Un faux pas déjà commis par Pie XII dans les années 50 que peu de physiciens chrétiens oseraient actuellement soutenir...

Présentation des trois conférenciers:
Jean Dhombres: mathématicien, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Jean Dhombres écrit fréquemment des articles dans la presse scientifique.
Pierre D'Ornellas, dit "Monseigneur" selon la terminologie des grades catholiques: évêque auxiliaire de Paris, directeur de l'Ecole Cathédrale.
Xavier Le Pichon: géophysicien, responsable d'un laboratoire à l'Ecole Normale Supérieure et professeur au Collège de France.

Jean Dhombres, premier à s'exprimer, a fait hors sujet: plutôt que d'aborder la question de front, le mathématicien s'est répandu en dissertations absconses sur le nombre, sa nature, son rapport à la réalité, sa relation à l'idée.

Xavier Le Pichon débuta son allocution en rappelant que le prêtre paléontologiste Teilhard de Chardin n'a pu accepter la place qui lui était offerte au Collège de France en raison de l'opposition des autorités ecclésiastiques. Un début prometteur mais, comme toutes les promesses, resté sans suite. L'orateur a poursuivi en louant la vision du monde professée dans la Genèse et dans le Livre de la Sagesse, oubliant naturellement les multiples massacres qui ponctuent la création du monde selon "Dieu". Les choses se firent plus précises quand il déplora que la science coupe le croyant de la contemplation, "il faut une vision du monde à la Chardin sinon la religion va se retirer du champ de la culture". L'assimilation de la religion à une expression de la culture est désormais un stratagème commun pour sauver ce qui peut l'être. Ces regrets trouvent une illustration naturelle dans l'aveu que Xavier Le Pichon pratique un heure d'adoration chaque matin!

En guise d'évitement de la problématique, "le débat n'est pas sur qui a raison, science ou foi", il convient plutôt de récupérer la partie adverse en cherchant "comment intégrer ce qu'on sait sur la Terre et l'Univers dans la contemplation".

Pierre D'Ornellas a conclu cette série d'allocutions en affichant d'entrée de jeu le cadre de la discussion. Deux citations furent appelées à la rescousse pour préciser avec autorité le domaine étroit dans lequel l'Eglise assigne la raison. Blaise Pascal, d'abord, fut mis à contribution: "La raison trouve sa noblesse dans le désaveu de la raison". G. Marcel, ensuite, confirma le jugement trois siècles plus tard: "L'homme raisonnable est celui qui connaît les limites de la raison". Sachant que le mot le plus prononcé par l'évêque a été le mot "ordre", on aura compris immédiatement que cette conception rigide, autoritaire et intolérante de l'Eglise trouve encore ses apôtres à l'époque actuelle.

D'Ornellas est apparu comme un personnage sec, froid, aux propos déterminés et implacables, l'exemple typique du catholique réactionnaire. C'est sans un frémissement qu'il indique qu'"il y a un temps pour chaque chose". "Est-ce qu'il est temps de faire des recherches sur le clonage, sur les cellules souches, sur la fission nucléaire?" C'est avec habileté que ces questions sont restées sans réponse, laissant le soin à l'auditoire d'y répondre par la négative. La conclusion acheva son entreprise d'enfermement de la science: l'ordre premier est établi par "Dieu" et c'est seulement à l'intérieur de ces limites que la science reçoit la permission d'évoluer. Une science soumise, donc contrôlable, voila l'ambition avouée de l'Eglise catholique.

La séance de questions qui a suivi a poussé Jean Dhombres à s'exprimer plus sérieusement sur le problème en question. La réponse fut moins timide: "Il n'y a jamais eu de problème entre foi et mathématiques car il s'agit dans les deux cas de la quête d'un ordre". De quoi se plaint-on? Et de préconiser des conseils aux scientifiques que ne désavouerait pas D'Ornellas: "Le scientifique doit réduire la portée de sa pensée, la pensée scientifique connaît son relativisme alors que la foi non car sinon il n'y a plus de foi." Seul manque le mot "postmoderne" et la panoplie obscurantiste du relativisme contemporain aurait été complète.

Xavier Le Pichon a tenu à marquer sa distance vis à vis de D'Ornellas en l'instruisant que la notion d'ordre est absente à la science: la Terre, son sujet d'étude, est en perpétuelle évolution depuis sa formation il y a 4,5 milliards d'années et la notion d'ordre n'y a aucun sens. L'omniprésence des instances religieuses sur les questions d'éthique a été évoquée avec la participation du géophysicien aux Semaines Sociales d'Issy Les Moulineaux organisées cette même semaine. Un écran de fumée où l'institution à la criminalité multiséculaire ose parler de la défense de la vie.

La conclusion de la conférence est revenue à Pierre D'Ornellas qui a rappelé les prescriptions conservatrices du pape Jean Paul II: la science doit être encouragée à poursuivre ses recherches mais dans le seul chemin tracé par l'Eglise, la raison n'est pas autorisée à s'émanciper de l'ordre divin.



5 décembre 2001


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