Colloque "L'intégrisme islamique en France et en Europe"
Paris, 7 et 8 avril 2001
C'est grâce à une initiative de POUR!, association de solidarité avec l'Algérie, qu'a pu être organisé le colloque "L'intégrisme islamique en France et en Europe" à Paris les 7 et 8 avril 2001. L'occasion a ainsi été donnée de dévoiler une composante de l'islam en France ignorée ou négligée en d'autres cercles: le cléricalisme musulman œuvre désormais à profiter des espaces de liberté garantis par la République pour s'engouffrer dans une brèche communautariste dont les résultats ont déjà été éprouvés en d'autres lieux.
Premier à s'exprimer, Olivier Roy, sociologue, a dressé un portrait de l'intégrisme musulman dans le monde en insistant sur sa dimension nationaliste. Le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, le FIS algérien sont des mouvements nationalistes sans réel programme politique. Paradoxalement, c'est bien souvent l'Etat, par ses initiatives, qui a capté les mouvements islamistes en favorisant l'intrusion de l'islam dans la vie politique: instauration du code de la famille en 1984 en Algérie, véritable asservissement légal de la femme, et enseignement de l'islam en Turquie imposé par les militaires dans les années 80. Mais avec le déplacement de populations musulmanes dans le monde "impie" (Europe de l'Ouest, Etats Unis d'Amérique), le discours nationaliste des mouvements fondamentalistes y a été remplacé par la notion de communauté universelle des musulmans, la Oumma, qui dépasse la nation. Les mouvements ainsi apparus se situent au delà de la culture des états d'origine (Maghreb, Moyen Orient) tout en rejetant celle des pays d'accueil. Il n'y est question ni d'un retour à l'islam des grand parents ni d'un approfondissement de la foi, philosophie et exégèse y sont largement ignorées par des jeunes croyants acculturés pour préférer l'encouragement à la guerre sainte: Tchétchénie, Bosnie, Afghanistan, Algérie en deviennent leurs références illustres. L'islam n'apparaît dans la Oumma que via le licite (hallal) et l'illicite (haram) maintenant le croyant dans la logique infantile récompense/punition.
Cette progression de l'islam dans les pays européens de l'ouest se traduit alors au quotidien, en particulier, par l'imposition du port du voile et l'absence de télévision, vérifiés par le porte à porte exercé par les militants, mais aussi par l'organisation de contre manifestations vis à vis d'organisations concurrentes. La désunion de l'islam en France reste sa caractéristique principale. Olivier Roy a accrédité son propos en citant les principaux instigateurs de ce prosélytisme clérical: le Tabligh (organisation d'origine pakistanaise), l'Union des Organisations Islamiques de France ou encore Tariq Ramadan (universitaire suisse). Le colloque a recouvert ce dernier, qui naturellement n'avait pas été convié à cette tribune, d'un feu nourri de critiques implacables. Tariq Ramadan cache sous des dehors modernistes une vision exclusive de la société héritée de son grand père, fondateur des Frères Musulmans, un mouvement fondamentaliste à l'origine de très nombreux groupes islamistes du monde entier. Le double discours de Tariq Ramadan propage insidieusement ses idées communautaristes parmi une jeunesse musulmane en manque de gourou. C'est très habilement que, depuis plusieurs années, Tariq Ramadan parvient à berner de nombreux interlocuteurs laïques, ou du moins extérieurs à l'islam, en ressassant la compatibilité de l'islam et de la laïcité tout en prenant soin d'éviter, uniquement dans les milieux non musulmans, de préconiser une adaptation des lois de la République, une revendication qui assure sa grande popularité ailleurs. Saïd Bouamama, sociologue, s'en est fait l'écho militant en témoignant de la nature autoritaire de l'universitaire suisse.
Le fondamentalisme musulman repose actuellement essentiellement sur une jeunesse acculturée et peu instruite de l'islam, mais il trouve son organisation dans une classe aisée dévote. Les dirigeants historiques de l'islamisme des années 80 ont ainsi souvent été formés dans des universités européennes ou aux Etats Unis d'Amérique, dans des disciplines scientifiques, plus particulièrement l'informatique. En France, l'islamisation des jeunes s'opère soit par des réunions, soit en prison ou dans les hôpitaux. L'endoctrinement est d'autant plus aisé que le public cible se satisfait mieux de la promesse d'actions d'éclat (participation au jihad avec voyage au Pakistan pour son apprentissage) que d'une recherche spirituelle. L'intégration devient honnie, "un homme intégré est un homme perdu pour la communauté", entendre la Oumma. Déconstruire un intégriste n'est possible que par l'initiation à la citoyenneté républicaine a rappelé Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l'Orient, en insistant sur le rôle de l'école, de l'Etat et de la politique.
Quels sont les traits actuel du cléricalisme musulman? Au nom de la spécificité de l'islam (?), quantité de revendications communautaires se font jour. Les cimetières, espaces publics, se voient scindés par l'apparition de carrés musulmans, partition illégale d'un lieu public commise par la complaisance des maires. Le port du voile par les musulmanes incarne la marque la plus démonstrative de l'activisme de certains mouvements qui rétribuent celles-ci de quelques centaines de francs par mois. En réaction à cette imposition du silence, nombreuses sont les jeunes filles réduites à fuir l'environnement familial pour trouver refuge dans divers foyers. L'éloignement du religieux est alors interprété comme la destruction de la cellule familiale par ceux-là même qui souhaitent sa réduction à la seule figure du père. Les revendications de prescriptions alimentaires spécifiques apparaissent de plus en plus dans les cantines scolaires, il a même été cité la suppression du goûter des enfants dans une école lyonnaise pour cause de présence de graisse de porc dans les biscuits! Les pressions émanaient des mères musulmanes, à la solde de l'Union des Jeunes Musulmans dont la figure de proue est Tariq Ramadan. L'intrusion de références religieuses dans l'école a toujours été une source d'exclusion dont les enfants sont systématiquement les victimes innocentes. Pas de dogmes à l'école! Autre exemple dans des collèges de Seine Saint Denis donné par Guy Konopnicki, journaliste: les appels à la prière sont relayés à l'intérieur des établissements par des élèves dont la foi aveugle et l'obéissance aux dogmes remplacent l'instruction et le civisme. Ceux-ci quittent les cours pour rappeler leur coreligionnaires à leur devoir de musulman qui demande que la prière soit effectuée à l'heure dite. Des blocages en cours de biologie stigmatisant les contradictions avec les affirmations du Coran révèlent en outre une contestation organisée dans des classes de 3ème et 2nde. A quoi il faut ajouter les protestations d'associations de la Ligue des Droits de l'Homme contre l'interdiction du port du voile par les proviseurs d'établissements.
A. Gokalp, du CNRS, a alors évoqué la corruption de certains médecins dont l'éthique ne les dissuade pas d'établir de faux certificats médicaux afin de dispenser des jeunes filles en foulard des cours de gymnastique. Néanmoins, nous ne pouvons qu'exprimer notre désaccord complet avec cet intervenant sur son souhait de voir la création d'écoles en contrat d'association avec des instances musulmanes, ceci afin, selon lui, de contrer les influences intégristes. Cléricalisme et intégrisme religieux ne seront pas combattus par une plus forte présence religieuse à l'école! L'école laïque et républicaine est le seul rempart à toute forme de discrimination religieuse.
Mais l'islam bénéficie en France d'aides détournées dont Michèle Tribalat, directrice de recherche à l'INED, a fait le constat. Le contournement du principe de non subventionnement des activités cultuelles par l'Etat est, dans les faits, assuré par le financement public d'associations musulmanes dissimulées derrière des paravents sportifs ou culturels. Si tant est qu'une preuve soit nécessaire, l'intervenante a donné un exemple supplémentaire que la laïcité est loin d'avoir été comprise et admise par les dignitaires musulmans: lors de la première réunion de la consultation des musulmans de France entreprise par J.P. Chevènement les responsables musulmans ont interrompu les discussions pour sacrifier à la prière à l'heure précise.
Les droits des femmes, et leur non respect, ont fait l'objet de deux communications, signe de la gravité de la question. Juliette Minces, sociologue, n'a pas hésité à rappeler les multiples injonctions du Coran contre les femmes, sans prétendre à l'exhaustivité devant l'ampleur de la tâche. Algida Bedjeguelaï, de l'association Femmes contre les intégrismes, a déploré le statut d'exception dont souffrent les maghrébines mariées vivant sur le sol français. Bien que n'étant plus domiciliées dans leur pays d'origine, elles restent néanmoins soumises à leurs lois en vertu d'accords entre les juridictions française et du pays d'origine. Conséquence des plus néfastes, des épouses maghrébines peuvent alors être répudiées avec l'aval de la justice française! Ces conventions peuvent aussi concerner des musulmanes de nationalité française mariées à des maghrébins.
L'ensemble des participants à ce colloque instructif et courageux a, d'une voix, dénoncé le ressort communautariste des doléances musulmanes. Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République, a vigoureusement fustigé cette propension à la différence des droits qui dénature le droit à la différence. Des reproches égaux par leur fermeté ont été adressés à une classe politique en recherche constante d'un électorat volatile et dont le discours se limite à la complaisance et à la flatterie, abandonnant toute promotion d'un modèle de société laïque. La réussite du colloque réside précisément dans cette affirmation haut et fort de la démission du politique devant le séparatisme social musulman.
Lire un échange entre Cherif Ferjani et Christian Delorme pendant le colloque ainsi que la liste des intervenants dans la revue de l'association (page 20).
22 juin 2001
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