L'œcuménisme élyséen flatte les catholiques orientaux
Doté de la stature du chêne, Jacques Chirac est aussi comme le roseau : il s'oriente en fonction de la direction du vent. Et ce 15 mai 2006, le vent venait de l'est, de l'Orient chrétien plus exactement. Habitué à l'exercice, le Président a endossé avec facilité l'habit de l'ami des religions, l'ami de toujours, celui qui accompagne et protège. Le déguisement revêtu le 17 décembre 2003 (lors de sa déclaration solennelle contre les signes religieux ostensibles à l'école) accumule la poussière dans la garde robe de l'Elysée.
Comme les mages venus d'Orient et accueillis par la sainte famille dans une légende fameuse, des patriarches catholiques orientaux ont rencontré un Chirac en grande forme à l'occasion du 150e anniversaire de l'Oeuvre d'Orient. Le Président a retrouvé les accents aimables qui avaient ponctué son discours devant Jean Paul II en 1996 lorsqu'il avait été consacré chanoine de Saint Jean de Latran. L'époux de Bernadette a ainsi exprimé sa "reconnaissance et celle de la France pour le témoignage" porté par les émissaires du catholicisme. C'est "au nom de la France" qu'il a adressé "un hommage particulier et souligné" à l'Oeuvre d'Orient et c'est par elle que s'exprimerait "la tradition de solidarité de la France envers les chrétiens orientaux". Il y aurait donc identité entre la France et l'Oeuvre d'Orient. C'est le moins qu'on puisse attendre sachant "l'ancienneté et l'étroitesse des liens qui unissent la France" aux Eglises d'Orient, ajoutant qu'il est "important de réaffirmer ces liens avec force". Quid de la séparation entre l'Etat et les Eglises ? A quand un Concordat, un texte dont la fonction est, précisément, d'établir et régir les liens entre l'Etat et les religions ?
Après avoir borné la liberté d'expression au respect des croyances dans l'affaire des caricatures de Mahomet, le dépôt de trois propositions de loi par deux députés et un sénateur UMP pour rétablir le délit de blasphème, le déplacement de Christine Boutin et de deux élus de droite au congrès de l'Union des Organisations Islamiques de France, la droite confirme son besoin de la religion comme auxiliaire docile de maintien de l'ordre. Pour Napoléon Bonaparte, le catholicisme constituait un rempart contre la rébellion, pour Adolphe Thiers il dissuadait l'individu de l'aspiration à la jouissance pour le conserver dans la souffrance et, pour Nicolas Sarkozy, plus de curés, d'imams et de rabbins sont souhaités dans les villes et les quartiers pour obtenir la paix sociale. Les chrétiens orientaux auront, eux, réussi à pacifier l'Elysée dans une période où deux disciples désavoués par un peuple incrédule ne rêvent que d'être calife à la place du calife, via la fidélité au Père ou le schisme parricide.
31 mai 2006
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