Le pacte de Tony Blair avec la superstition
Lettre électronique de Rationalist International numéro 112, 27 août 2003, traduction Thomas Zartregu :
Le Premier Ministre Tony Blair a de grands projets. Il a tenté d'éviter de les révéler prématurément, car il se méfiait de la réaction du public. Mais ces plans ont filtré dans une réponse écrite au parlement et ont été repris par The Observer. M. Blair s'apprête apparemment à balayer cette bonne vieille laïcité et à inviter Dieu sur la scène où s'élabore la politique du pays. Dans "une rupture majeure avec les traditions britanniques selon lesquelles la religion et le gouvernement ne devraient pas être mélangées" selon The Observer, il a nommé une instance religieuse représentant des confessions chrétiennes et autres, pour servir de comité consultatif à haut niveau pour le gouvernement britannique. Le "Faith Community Liaison Group" (groupe de liaison des communautés de foi) fait partie du Home Office (ministère de l'Intérieur). Sa sphère d'influence inclut officiellement les départements de l'Education, de la Culture, des Media, du Sport, du Commerce et de l'Industrie.
Celle qui dirige ce groupe de travail ministériel est Fiona Mactaggart, ministre du 'Renouveau Civique' au Home Office. F. Mactaggart décrit ainsi les tâches du comité : "Ses termes de référence consistent à considérer les moyens les plus efficaces pour parvenir à une plus grande participation des communautés de croyance dans l'élaboration et l'implémentation de la politique à Whitehall, et d'identifier les domaines spécifiques où cette contribution pourrait être la plus précieuse. Le Premier Ministre connaît nos plans et attache à cela une importance considérable. Cela va établir les
fondations pour une participation des points de vue et des besoins des communautés de foi dans le développement de la politique à travers tout le gouvernement."
Des groupes chrétiens se réjouissent de l'initiative du Premier Ministre. Selon Graham Dale, directeur du Christian Socialist Movement, dont Tony Blair est membre : "Le groupe aura la liberté de prendre en compte des questions de politique de façon très large, mais aussi de se charger de domaines moins tangibles comme les valeurs dans la vie publique. Cela donne une nouvelle visibilité à la reconnaissance de la foi comme un facteur dans les consultations gouvernementales, et indique que le gouvernement souhaite s'adresser à des personnes croyantes dans tous les domaines de la vie publique". Aux côtés de divers groupes chrétiens, des communautés hindoues, musulmanes, sikhs et juives sont également représentées dans ce comité.
Tony Blair est un chrétien engagé qui "garde la Bible sur sa table de chevet," nous apprend The Observer. Mais jusqu'ici, sa relation privilégiée avec Dieu était restée une affaire plus ou moins privée. Avec ce nouveau projet, qui tend à placer la religion au centre de la politique britannique, il s'est finalement révélé comme un agent politique du renouveau religieux. Les laïques en Grande-Bretagne ont tiré la sonnette d'alarme. "Nous pensons que cela est un exemple de plus du désir du gouvernement de favoriser et privilégier les organisations religieuses. Nous nous demandons quand il accordera la même considération aux opinions et aux besoins de ceux qui sont non-religieux", écrit Keith Wood, directeur exécutif de la vieille et respectée National Secular Society dans une lettre à F. Mactaggart. Malgré des demandes répétées, se plaint M. Wood, les 'groupes non-religieux' ont été exclus de toute participation dans le groupe de travail 'religieux'.
Afin de parer ce coup sévère à la laïcité, et pour éviter à un pays aux traditions libérales et progressives exemplaires de sombrer dans une mélasse de "spiritualité" pluri-religieuse, la voix de la laïcité doit être forte et claire. Les comités de consultation religieux n'ont pas de 'locus standi' (statut d'interlocuteur approprié), ni sur le plan légal, ni sur le plan logique. Ils doivent disparaître car leur existence viole le principe même de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Quémander une "égalité de traitement" dans des organisations illégitimes leur apporte une légitimité. C'est une question de principe et non de chiffres.
La tentative discrète de Tony Blair de redonner du pouvoir au christianisme sous les nouveaux oripeaux d'un partenariat pluri-religieux est extrêmement alarmant. Cela nécessite une résistance décisive de la partie avertie de l'opinion avant qu'il ne soit trop tard.
14 septembre 2003
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