L'Eglise et le génocide au Rwanda,
les Pères Blancs et le négationnisme

Jean Damascène Bizimana

L'Harmattan, 2001




Jean Damascène Bizimana est rwandais et peut donc particulièrement bien parler du génocide qui a décimé 800000 rwandais d'avril à juillet 1994. Mais il est aussi un ancien élève des Pères Blancs ce qui en fait un témoin privilégié du rôle de l'Eglise catholique pendant cette tuerie effroyable. L'auteur a perdu 84 membres de sa famille étant tutsis. La grande force de l'ouvrage réside dans la précision des faits qui y sont rapportés: sont cités les noms des prélats ayant encouragé les tueurs, les dates, les lieux. Il serait faux de croire, et l'auteur le démontre bien, que ce racisme n'était que le fait de l'Eglise rwandaise: les Pères Blancs, essentiellement composés d'ecclésiastiques belges, partageaient cette vision ethniciste et raciste de la société rwandaise. Le Vatican, lui aussi, n'a pas ménagé ses efforts pour protéger les criminels en organisant leur exfiltration vers l'Europe et en soutenant ceux, restés sur place, confrontés à la justice rwandaise comme ce fut le cas pour Mgr Misago finalement acquitté suite aux pressions du Vatican. L'argumentation de Jean Damascène Bizimana ne se limite pas à l'énoncé macabre de tueries mais analyse aussi le discours de l'Eglise et des Pères Blancs, fait d'un mélange d'imprécisions et d'ambiguïtés synonymes de négationnisme. Le terme de "génocide" est systématiquement remplacé par celui de "guerre" qui évoque sournoisement une situation d'affrontement entre deux belligérants. La réalité était pourtant bien différente puisqu'il ne s'agissait en rien d'un conflit symétrique mais du massacre systématique et planifié d'une partie de la population non armée et non organisée (les tutsis et les hutus refusant le génocide) par des hutus qui ont toujours reçu le soutien de l'Eglise. Et pour convaincre que l'implication de l'Eglise n'est pas un épiphénomène local, l'auteur assure de la permanence des sentiments anti-tutsis de l'institution lors de la poursuite de sa formation en théologie à Toulouse après le génocide. L'ouvrage reste un témoignage poignant sur la folie hutue qui a décimé le pays pendant quatre mois et une accusation implacable de l'Eglise. Voir un autre commentaire du livre.


18 septembre 2001


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