Benoît XVI en Bavière : un monde sourd ou un dieu inexistant ?




Depuis sa confortable installation dans la papamobile en avril 2005, le grand Inquisiteur suit avec application la ligne tracée durant les vingt trois années passées à la direction de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En édictant le Bien et le Mal, en rappelant les chrétiens à leurs obligations et en fustigeant les incroyants, Benoît XVI enseigne aux amnésiques et à tous ceux qui n'ont jamais lu la Bible que le catholicisme n'est pas l'expression d'une foi libre et évolutive mais l'obéissance à des dogmes immobilistes. Lors de sa récente escapade dans sa Bavière natale, Joseph Ratzinger a déployé, le 10 septembre, une énergie désespérée contre la disparition de la fantaisie divine de notre société. Aucune lueur d'espoir ne semble illuminer l'horizon spirituel du pauvre homme aigri dont le pontificat se terminera avec, en Europe, un nombre de catholiques encore en diminution. Piètre bilan futur.

Jean Paul II qualifiait les athées d' "insensés", Benoît XVI accuse le monde d'être "sourd à Dieu". Si le croyant lucide peut rétorquer que "Dieu" demeure pourtant bien silencieux, l'athée se réjouira de ne pas être sujet à des illusions auditives et remerciera Benoît XVI de confirmer ainsi les nombreuses enquêtes d'opinions sur la baisse régulière de la croyance en "dieu" et de l'affiliation aux religions en Europe. Dénonçant ce qu'il croit être "le mépris de Dieu" et "l'insulte au sacré" (en référence aux caricatures d'un mythe concurrent), Benoît XVI se fourvoie cependant sur les intentions réelles des incroyants : comment mépriser un dieu inexistant ou insulter un sacré qui n'a pas cours pour soi-même ? Le sacré n'est pas l'universel, le sacré ne porte du sens que pour les adeptes qui le vénèrent. Dans ses lamentations, Benoît XVI a ainsi voulu adresser un message aux musulmans suite à l'affaire des caricatures de Mahomet, un œcuménisme de façade contre la liberté d'expression et la laïcité.

Dénoncer la sécularisation des sociétés ne suffit pas et Benoît XVI a sonné la charge, en vrac, contre tous les sujets qui fâchent. Le vomis habituellement déversé par le Vatican contre la modernité et le progrès a éclaboussé généreusement l'assistance bavaroise : propagande antipréservatif en demandant que "le sida puisse être combattu en affrontant vraiment ses causes profondes" (la fidélité et la chasteté plutôt que la protection par le plastique), la foi catholique serait un rempart contre la violence (oubliées les Croisades, l'Inquisition, les guerres de religion et les collaborations, au niveau institutionnel, de l'Eglise catholique avec les régimes fascistes), insinuation que la science serait génératrice de violence ("là où on ne porte que des connaissances et des savoir-faire, de la technique et des moyens, on apporte trop peu. Et alors, c'est l'engrenage de la violence, la capacité de détruire et tuer qui prévaut dans la course au pouvoir...") alors que l'Evangile serait un acteur incontournable du progrès social ("Le fait social et l'Evangile sont inséparables"). Et dans une similarité remarquable avec la fière soumission des musulmans à un dieu imaginaire, Ratzinger a délivré une injonction que n'auraient pas reniée ses prédécesseurs de la Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle : "La tolérance dont nous avons besoin inclut la crainte de Dieu." Crainte face à l'inconnu, tolérance s'effaçant devant la peur, amour subordonné à la soumission, toutes valeurs enseignées à longueur de pages dans l'Ancien Testament. Quand l'esclave s'extasie devant la douceur de ses chaînes, que le domestique s'enorgueillit de sa position subalterne, une (re)lecture du Discours de la servitude volontaire de La Boétie peut constituer une thérapie efficace, bien qu'exigeante.


Source : AFP 10 septembre 2006, Vatican Information Service 11 septembre 2006


22 septembre 2006


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