Aztèques
Michel Azama
Théâtre 13, Paris (janvier-février 2006)
En 1519, Hernan Cortés débarque sur les côtes mexicaines : le compte à rebours de la fin de la civilisation aztèque commence. Au nom du roi d'Espagne et du Dieu chrétien, le conquérant va soumettre Moctezuma II puis Cuauhtémoc, les derniers empereurs qui règnent à Mexico Tenochtitlan. Dans Aztèques, Michel Azama ne fait pas le choix d'une reconstitution historique, comme ce fut le cas dans la Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière. Par un texte d'une très grande force, Azama pose la question du regard porté sur l'autre, qui est vu selon ses propres fantasmes. L'autre est jugé violent quand on l'est soi-même, il est considéré comme dangereux quand la peur ou l'ambition domine ses propres sens. Pour cela, l'auteur peint des personnages décalés : un Cortes rusé par rapport à un Moctezuma abusé par sa soif de rencontre avec les dieux, un pape cynique par rapport à une orthodoxie catholique pesante, un monde aztèque certes brutal mais dépassé par la modernité belliqueuse des espagnols.
Servi par une remarquable mise en scène de Quentin Defalt (maquillages et costumes sont parfaits), Aztèques est une secousse, un abîme de désespoir sur la fin d'un monde. La scène, un entrepôt de musée où s'amoncellent divers objets préhispaniques, est le lieu de rencontres anachroniques entre des personnages que tout éloigne, le temps comme les ambitions. Les éclairages s'entrechoquent, éclatent sur des visages dévorés par l'avidité du gain ; parfois terrifiants, toujours angoissants ou angoissés, les protagonistes s'engagent peu à peu vers un désespoir inéluctable. Ainsi, pendant qu'à Rome un pape malade de trop de goinfrerie s'ennuie et n'a pour seule distraction que les nouvelles du Nouveau Monde, à Mexico un petit prêtre croit assurer la victoire du christianisme par la destruction des divinités de pierre. Cortés saborde ses propres bateaux pour ne pas subir la tentation du retour à Cuba, retraite des pleutres, avant que Moctezuma ne se trompe lui-même en voyant dans Cortés le dieu Quetzalcoatl. Le Cortés chercheur d'or en profite mais l'issue fatale du monarque exhume de ses tréfonds d'improbables regrets : le roi soleil est mort. Quant à la douleur du peuple mexicain, elle se répand dans la Malinche, cette femme honteuse qui s'est donnée au conquérant étranger. Son râle terminal est une ultime agonie, sans retour, pour l'éternité.
Actuellement au Théâtre 13, 103A, boulevard Auguste Blanqui à Paris, jusqu'au 19 février 2006 (présentation de la pièce).
29 janvier 2006
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