L'affiche du film Amen de Constantin Costa-Gavras
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rejeté le 21 février 2002 la plainte déposée par l'AGRIF demandant le retrait de l'affiche du film Amen de Constantin Costa-Gavras. L'affiche montre une croix chrétienne qui se prolonge en croix gammée. La Conférence des Evêques de France a dénoncé cette image comme une insulte à la foi chrétienne, sans intenter d'action en justice, prétendant qu'il y avait là un amalgame délibéré assimilant les chrétiens à des nazis. L'Eglise catholique a choisit de détourner le problème du silence de Pie XII en attribuant à Costa-Gavras des intentions qui ne sont pas les siennes: sa critique concerne uniquement l'attitude coupable du pape Pie XII sans qualifier les chrétiens de nazis.
Le film est une adaptation d'une pièce de théâtre de Rolf Hochhuth, Le Vicaire, qui fit scandale à sa sortie en 1963. Cette pièce n'est en aucune manière une attaque de la foi chrétienne, l'auteur est protestant, mais une dénonciation implacable de l'attitude du Vatican qui préféra se taire devant le massacre des juifs par les nazis. Un des personnages principaux du film, et de la pièce, est un officier allemand au rôle ambigu: Kurt Gerstein est un chrétien engagé et s'affaire dans les années 30 à dénoncer les périls à venir de l'Allemagne nazie. Pourtant il s'engage dans les SS pendant la guerre. Une fois au cœur du système, il tentera, par les moyens qui lui sont disponibles, à la fois d'informer les Alliés et le clergé de l'horreur des camps de concentration et d'atténuer l'ampleur de l'extermination systématique tout en y participant. L'officier est donc un personnage double qui œuvre à la politique d'extermination nazie en même temps qu'il cherche à la contrecarrer. L'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (54 boulevard Raspail 75006 Paris) propose une exposition sur Kurt Gerstein du 18 février au 1er mars 2002. L'autre personnage principal du film n'est pas issu de la pièce de Rolf Hochhuth mais incarne la résistance de certains chrétiens à la barbarie nazie en la personne d'un jeune jésuite. Le film doit sortir sur les écrans le 27 février.
L'ambition de Costa-Gavras ne souffre donc d'aucune ambiguïté (voir le compte rendu du film): l'objet de son réquisitoire est le pape, et avec lui l'ensemble de la hiérarchie catholique, et pas le peuple chrétien. Affirmer, comme le fait le cardinal Lustiger, que le dessin de l'affiche est "fauteur de haine" montre que l'Eglise catholique reste incapable d'assumer son passé en refusant de condamner officiellement le silence de Pie XII. L'épiscopat poursuit sa politique mensongère de diversion en s'attribuant le rôle de la victime d'une société qu'elle imagine anti religieuse. L'Eglise n'est pas seule dans cette entreprise, le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) s'est associé à la dénonciation de l'affiche. Les déclarations de l'épiscopat comme l'action en justice de l'AGRIF, extrême droite catholique dont le président est Bernard Anthony du Front National, rappellent que liberté d'expression et religion ne sont pas compatibles. Une religion ne peut maintenir son emprise que par l'interdiction de toute critique de ses principes fondateurs et de son histoire.
21 février 2002
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