En Afghanistan, rien n'a vraiment changé pour les femmes
Lettre électronique de Rationalist International, n°118 22 janvier 2004. Traduction Guy Jacquesson.
Afghanistan: Le défi de Malalai Joya
Lors d'une convention constitutionnelle à la mi-décembre, Malalai Joya, une déléguée de 25 ans élue dans la province rurale de Farah, a osé défier les fondamentalistes. Elle a accusé les moudjahidin et les chefs de guerre, qui constituent une écrasante majorité dans la Loya Jirga, d'être des criminels et des fauteurs de guerre, responsables de la guerre civile de 1992-96 qui coûta la vie à des milliers de personnes et détruisit la plus grande partie de Kaboul. Elle a demandé qu'ils soient écartés du nouveau gouvernement, et réclama qu'il soient jugés pour leurs crimes.
Son intervention déclencha des hurlements furieux; son micro fut coupé, et elle fut pour un temps tenue à l'écart de l'assemblée. Les fondamentalistes demandent son expulsion. Des menaces de mort ont été ouvertement proférées contre elle. Les Nations Unies lui ont offert une protection et un asile dans leurs installations surveillées durant la tenue de la Jirga.
Afghanistan: L'égalité des femmes mise en veilleuse
La nouvelle constitution qui vient d'être approuvée en Afghanistan garantit des droits égaux pour les hommes et les femmes, mais seulement sur le papier. En réalité, les vieux fondamentalistes, qui tiennent de nombreux postes-clés dans le nouveau gouvernement patronné par les États-Unis, brandissent encore la religion comme une arme pour mettre un frein aux droits de l'Homme, et opprimer les femmes.
Le 12 janvier, un rayon de liberté perça les nuages: levant l'interdiction faite aux femmes de chanter à la télévision, la télévision d'État de Kaboul surprit ses spectateurs en diffusant un vieil enregistrement de la célèbre chanteuse Parasto (qui vit actuellement à l'étranger), dans lequel elle interprétait quelques unes de ses chansons populaires sans porter de voile. « Nous nous efforçons de présenter nos réalisations artistiques sans tenir compte du sexe » déclara le ministre de l'information et de la culture, Sayed Makdoom Raheen. Mais trois jours plus tard seulement, par une volte-face embarrassante pour les réformistes, l'interdit fut hâtivement rétabli à la suite d'une protestation de la Cour Suprême, dominée par les conservateurs religieux.
Le Président de la Cour Suprême, nommé par le Président Karzai, est un fondamentaliste religieux de 80 ans, Faz Hadl Shinwari, dont les décisions violent ouvertement la constitution en vigueur. Il a même réinstallé l'épouvantable « Département du Vice et de la Vertu » des Talibans, sous le nom de « Ministère des Affaires religieuses ». Les lois adoptées ces derniers mois auraient pu être faites par les Talibans : interdiction de la mixité dans les écoles, restrictions de déplacement pour les femmes, interdiction de chanter en public, et bien d'autres. La vie n'a pas beaucoup changé pour les femmes après la chute
des Talibans. Les rares améliorations sont limitées à Kaboul. En dehors de Kaboul, les choses sont aussi terribles qu'elles l'étaient autrefois: on brûle des écoles de filles, les enseignants hommes ne sont pas autorisés à enseigner aux femmes, les docteurs masculins ne sont pas autorisés à soigner des patientes, la police interpelle les femmes vues en compagnie d'hommes pour les soumettre à des tests de virginité. Le nouveau Ministère des Affaires Féminines, célébré internationalement comme un grand succès, observe cela en spectateur sans réagir.
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La situation en Afghanistan pendant et après les talibans.
4 février 2004
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