La complicité passive du Vatican à l'égard du
nazisme
Face à la montée de l'antisémitisme, le pape Pie XI
commande en 1938 un texte destiné à la dénoncer.
Cette encyclique ne lui parviendra
que quelques jours avant sa mort, en février 1939
et ne pourra être diffusée
(«Pie XI: son discours contre le fascisme ne passera pas, son dernier
médicament non plus», dixit le Canard Enchaîné,
septembre 1982, suite aux circonstances peu claires de sa mort). Ce
document entendait combattre le racisme mais n'est, néanmoins, pas
exempt de toute ambiguïté, les vieux réflexes
antisémites y
sont toujours présents comme en témoignent les extraits
suivants:
«Les hommes de bonne volonté devraient déployer tous
leur efforts pour faire disparaître, dans la vie publique entre
les races, toutes les distinctions qui ne peuvent pas manquer de
paraître infamantes et exclusives.»
«Le combat pour la pureté de la race finit par être
uniquement la lutte contre les juifs, lutte qui ne diffère pas ni
dans les vrais motifs ni dans les méthodes - sauf pour la
cruauté systématique - des persécutions
exercées contre les juifs depuis les temps antiques... Ce
flagrant déni de justice élémentaire à
l'endroit des juifs en chasse des milliers au hasard de l'exil sur la
face de la terre, sans ressource aucune. Errant de pays en pays, ils
sont à eux-mêmes et à l'humanité entière
un fardeau.»
«La prétendue question juive, dans son essence, n'est
une question ni de race, ni de nation, ni de nationalité
territoriale, ni de droit de cité dans l'Etat. C'est une question
de religion et, depuis la venue du Christ, de christianisme.»
«La haute dignité que l'Eglise a toujours reconnue
à la mission historique du peuple juif, ses voeux ardents pour sa
conversion ne l'aveuglent pas cependant sur les dangers spirituels
auxquels le contact avec les juifs peut exposer les
âmes.»
Le pape suivant, Pie XII, ne parlera jamais de ce texte. Cette attitude
ne saurait être anecdotique puisqu'elle va de pair avec le
silence du Vatican sur les crimes nazis pendant la seconde guerre
mondiale.
Le 15 mars 1939 les nazis envahissent la Tchécoslovaquie et
Pie XII se tait, cela aurait contrarié en effet son souhait de se
rapprocher de l'Allemagne depuis son élection toute
récente à la papauté.
Le 1er septembre 1939 la Pologne est attaquée et le Vatican reste
muet malgré les insistances de la France et de l'Angleterre.
La série continue avec l'invasion du Danemark et de la
Norvège qui ne voit aucun changement dans l'attitude du pape.
Par contre l'émotion est plus intense devant l'attaque de la
Belgique, de la Hollande et du Luxembourg en mai 1940, mais la
réaction de Pie XII est plus une compassion pour la douleur des
peuples qu'une condamnation de l'imposteur. De plus serait-ce faire
preuve de mauvais esprit que de remarquer que le nombre de catholiques est
plus élevé dans le Benelux qu'au Danemark ou
en Norvège?
Avec l'installation de la domination nazie sur l'Europe de l'Ouest,
le pape a pu y voir un très bon rempart contre le communisme qui
commençait à arriver de l'est avec les ardeurs
conquérantes de l'URSS. Le silence de Pie XII sur les
avancées allemandes trouve une autre explication dans la crainte
d'un accroissement de la politique antireligieuse de Hitler qui se
traduisait en particulier par des confiscations de propriétés
du clergé. Toutefois ces mesures furent suspendues en juillet
1941 par Hitler. Il n'en fallait pas plus pour que continue la non-ingérence du Vatican dans les affaires des belligérants!
Concernant la "solution finale", aucune protestation n'est émise de
la part de Pie XII hormis de l'affliction pour les victimes, il
préfère laisser les évêques des
régions concernées par les déportations de juifs
juger seuls de l'opportunité de réagir.
Ainsi, Pie XII n'a jamais mis d'entraves à l'entreprise destructrice
du nazisme, s'en expliquant en ne voulant pas accroître les malheurs
déjà présents ce qui ne justifie aucunement sa
politesse envers le régime allemand, et ce jusqu'à la fin
du conflit.
sources:
Pie XII et le IIIe Reich, Saul Friedlander, Seuil, 1964
Sud-Ouest, 8 octobre 1995
A lire aussi une analyse du livre "Le Vatican, l'Europe et le Reich" d'Annie
Lacroix Riz :Le
Vatican, l'Europe et le Reich, de la première guerre mondiale
à la guerre froide, Le Monde Diplomatique, janvier 1997
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