Les fascistes de la Fraternité Saint Pie X
"Il faut se battre avec le poing. Dans un duel, on ne compte ni ne mesure
les coups...
On ne fait pas la guerre avec la charité." Pie X
Pie X fut pape de 1903 à 1914 et son règne s'est annoncé
sous le signe de la fermeté dans le domaine religieux mais aussi
politique et social. Devant sa volonté d'effacer toute appartenance
du citoyen aux Etats pour ne conserver que la soumission à l'Eglise
catholique, Pie X n'obtient en France pour toute réponse que la
séparation de l'Eglise et de l'état de 1905.
C'est cette intrusion du religieux dans la vie politique et sociale
prônée par l'antimoderniste Pie X qui a trouvé un ardent
continuateur en la personne de Mgr Lefebvre.
Des revendications à l'excommunication
Dès 1969 Mgr Marcel Lefebvre attaque les décisions
du Concile Vatican II (dont certaines qu'il a signées) qui s'est
déroulé de 1962 à 1965. Ses cibles, de façon
plus générale: la tolérance
religieuse, l'œcuménisme, les droits de l'homme, la
laïcité, la révolution française, la messe dans
des langues autres que le latin. C'est ce dernier point qu'il défend
en continuant à célébrer la messe selon le rite
défini lors du Concile de Trente au XVIème siècle.
L'évêque fonde alors la Fraternité Saint Pie X
en 1970 qui, en 1998, comptera 353 prêtres et 200 séminaristes,
et sera implantée dans de nombreux pays pour un nombre de pratiquants
estimé à entre 100000 et 150000. En 1970, l'Eglise catholique
suisse reconnaît le jeune mouvement et l'autorise à fonder un
séminaire à Ecône en 1974. C'est l'époque où
les ardeurs guerrières de Pie X voient un fidèle successeur
en la personne de cet évêque français admirateur des
dictateurs sud américains.
L'activisme de Mgr Lefebvre se fait plus pressant auprès du Vatican
et conduit le pape à le déclarer "suspens divinis",
l'interdiction d'ordonner de nouveaux prêtres et de dire des messes.
L'année suivante, à Paris, des intégristes s'emparent
de l'église Saint Nicolas du Chardonnet.
Cette invasion fut dénoncée par la hiérarchie catholique
sans qu'elle puisse les en déloger. La Fraternité Saint Pie X
dispose donc d'une base de rassemblement dans la capitale pour l'extrême
droite et cette action s'inscrit dans une croisade vers le retour aux
pratiques chrétiennes traditionnelles. Mais les tentatives de
rapprochement, ou d'assimilation, de la Fraternité Saint Pie X par le
Vatican échouent et vont s'anéantir complètement en 1988.
Le 30 juin de cette année Mgr Lefebvre sacre quatre évêques
à Ecône, en Suisse. L'excommunication est immédiate, le
schisme consommé et Mgr Lefebvre meurt en 1991.
La fraternité Saint Pie X et l'extrême droite
Les 20 ans de l'installation des intégristes à Saint Nicolas du
Chardonnet ont été fêtés par une extrême
droite bien représentée. Le 2 mars 1997 l'abbé
Laguérie y donne une messe où il réitère les appels
à une reconquête des églises. Parmi l'assistance
figuraient Bruno Gollnisch, secrétaire général du Front
National, ainsi que le comédien Jacques Dufilho. Mais une absente de
marque a néanmoins jugé bon de s'excuser de ne pas être
présente, Mme Bernadette Chirac, épouse
d'un Président de la République papolâtre. La
réquisition par la force de l'église Saint Nicolas du Chardonnet
en 1977 est l'exemple à suivre pour tous ces croisés.
Nombreuses
sont alors les pressions pour installer des lieux de cultes similaires,
et, quand cela ne suffit pas, l'action violente est adoptée. C'est
de cette manière que des fidèles de cette religion
réactionnaire, dirigé par l'abbé Aulagnier, ont investi
une église du Chamblac dans l'Eure, interrompant l'office et
molestant des fidèles. Preuve parfaite que le crime paie, les
autorités locales ont décidé de mettre à la
disposition de ces fondamentalistes chrétiens une église
désaffectée de la commune de Gisay la Coudre (novembre 1997).
L'église sera confiée aux extrémistes sous le masque
d'un don à une association cultuelle loi 1901.
Un autre exemple d'arrivée en force fut donné par
les agitations en 1996 de
l'association ANCRE (proche du FN) à Noisy le Grand (Seine Saint Denis),
et l'inauguration de son église intégriste en novembre 1997.
Dernier exemple, celui de la commune de Cravanche (Territoire de Belfort, 2000
habitants)
où la Fraternité a acquis, il y a quelques années, un ancien
local commercial. Cet achat avait été fait au nom d'une
personne privée afin de mieux dissimuler les véritables objectifs
de la transaction. Une demande de permis de construire fut accordé
en 1995 par l'ancienne municipalité sans que celle-ci soit informée
du destin réel du bâtiment comme lieu de culte. Il s'agissait
simplement
de l'aménagement d'une salle de réunion. La maire actuelle
a pu voir plus clair dans ces manœuvres et
a refusé en octobre 1998 l'ouverture de ce lieu de culte pour des
raisons évidentes de sécurité. Mais les fanatiques
chrétiens n'ont que faire de la justice des hommes et se retranchent
derrière la liberté de culte pour y maintenir la
célébration de messes.
Les actions d'éclat de la Fraternité Saint Pie X ne se
réduisent pas à l'occupation d'églises mais
s'étendent aussi à la protection des criminels de guerre.
C'est dans un couvent des adeptes de Mgr Lefebvre qu'a trouvé refuge
Paul Touvier et qu'il y a été
retrouvé en 1989. C'est aussi en l'église Saint Nicolas du
Chardonnet qu'a été donné un vibrant hommage à
l'ancien milicien où, là encore, l'extrême droite
a témoigné de son adhésion à l'idéologie
fasciste.
Les scouts de la Fraternité
Mais la Fraternité Saint Pie X est aussi un mouvement qui se
préoccupe de l'éducation des jeunes. Les associations de
scouts, où l'on se perd dans les distinctions de pure forme entre
celles agréées et celle non reconnues, sont un vivier où
la graine de l'extrême droite est entretenue pour contaminer les
générations futures. Le scandale a éclaté
pendant l'été 1998 où quatre scouts ont péri en
mer au large de Perros Guirrec, entraînant le décès d'un
sauveteur. Le camp de scouts, appartenant à l'Association
française des scouts et guides catholiques, était sous
l'autorité de l'abbé Cottard, un fidèle de Mgr Lefebvre.
Privilégiant la loi de son dieu imaginaire à la
météo et aux consignes de sécurité, le
prêtre porte l'entière responsabilité de la tragédie.
Le tribunal correctionnel de Guingamp (Côtes d'Armor) l'a
condamné à 18 mois de
prison ferme et 4 ans avec sursis en décembre 1999.
Mais l'actualité de l'été 1998 a aussi vu 70
jeunes filles qui furent l'objet de malaises provoqués par des
insolations dans un autre camp scout. En juillet 1999, une dizaine de
scouts d'Europe ont eux aussi été victimes de malaises
dans l'église de Guérande en Loire Atlantique. Peu après,
dans ce
même mois, ce fut au tour d'un centre de "vacances" du Cher de subir
les foudres de la législation: le préfet du Cher a
ordonné la fermeture d'un centre des Cadets de France et d'Europe
installé dans l'ancien château de l'ex-dictateur Bokassa.
Les multiples infractions relevées à la sécurité
et à la santé n'ont fait que fulminer son responsable Roger
Holleindre, cofondateur du FN. Son association est affiliée à
celle mise en cause dans l'accident de Perros Guirrec, émanation de
la Fraternité Saint Pie X. Ce genre de centre affiche une conception
très militaire de l'éducation des gamins avec des chants
xénophobes et un régime sportif aussi bien que mental
insoutenable.
A l'autre extrémité de l'échelle des âges,
à Saint Malo, deux sœurs intégristes ont appliqué
à la lettre, à l'égard
de leur père malade, les recommandations de Pie V pour
entrer au ciel de la plus chrétienne des façons: le
moribond doit être à jeun (Libération, 2 novembre
1999). Les deux sœurs ont, non seulement,
refusé de soigner leur père mais ont aussi cessé de
l'alimenter en octobre 1999. Il décède donc cinq jours plus tard,
âgé de 83 ans.
Il est utile de préciser que ces attardements mentaux n'étaient
en aucun cas la volonté du père.
Devant ces voisins gênants, le Vatican poursuit des contacts
officieux mais la Fraternité Saint Pie X ne semble pas prête
à renoncer à son idéologie fasciste. Son
assise dans l'extrême droite la conforte dans ce rôle
contestataire qui se veut plus proche de l'essence du christianisme que
ses concurrents post Vatican II. Mais les dissensions relèvent
plus d'une lutte d'influence que d'un réel désaccord sur la
place de la religion chrétienne dans la société.
Visite de l'Eglise Saint Nicolas du Chardonnet (23 rue des Bernardins
75005 Paris,
plan et
photo)
Si la plupart des églises sont actuellement à la recherche
de pèlerins et de gourous, l'Eglise Saint Nicolas du Chardonnet
ne souffre pas du désintérêt de ses ouailles.
Première constatation: les nombreux appels à contribution
financière placardés semblent remporter un vif succès
au vu du nombre de prêtres présents dans l'église
lors de ma venue en décembre 1999, soit 4 ou 5. Des gourous
que la communauté intégriste est donc capable de
rémunérer. Chacun d'eux disposait d'un groupe de quelques
personnes, hommes et femmes en proportion similaires, en soumission absolue
et affichant une réelle expression de dépendance sur le visage.
Les refus de porter plainte des familles des scouts
décédés lors de
l'accident au large de Perros Guirrec sont mieux compréhensibles
par un tel endoctrinement volontaire.
L'appel à contribution n'est même pas voilé lorsqu'une
annonce pour des centres d'éducation d'enfants
répartis dans toute la France précise que les familles ne
doivent hésiter devant "aucun sacrifice financier et affectif"
pour donner à leurs rejetons l'éducation la plus
chrétienne qui soit, celle conforme aux vues de Mgr Lefebvre.
Les nombreux accidents du scoutisme catholique sont donc plus des
conséquences logiques de ces "sacrifices" que des dérives
fâcheuses.
Comme l'absence de culture entretient tout fanatisme, c'est en bonne place
que trône le
suaire de Turin, un linge peint par un habile
artiste du 13ème ou 14ème siècle.
Le souvenir des martyrs, nécessaire à la construction de toute
tradition historique, s'illustre par deux plaques commémoratives:
l'une à la mémoire des 191 victimes de la révolution
française les 2 et 3 septembre 1792, et l'autre pour celles des
26 mars 1962 (fusillade de la rue d'Isly à Alger, voir l'article paru dans
Le Monde du 5 mars
1972) et 5 juillet 1962 (Oran),
partisanes de l'OAS et de l'Algérie française.
Enfin, le chemin de croix s'achève par la vente de livres
pour un déversement de la haine chrétienne intégriste.
13 août 1999
Mises à jour : 23 novembre 1999, 22 décembre 1999 et 28 janvier 2000.
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