Réponse à Actualité des Religions



La revue Actualité des Religions a publié un dossier intitulé "Science et foi, amies ou ennemies?" dans le numéro 18 de juillet-août 2000. Loin de donner une vue représentative de la communauté scientifique, la revue a exposé la thèse qu'une collaboration fructueuse, ou du moins une coexistence pacifique, peut exister entre ces deux visions du monde.

En réaction à ce phénomène de mode qui n'est que l'expression de la débâcle religieuse essayant d'accaparer la science pour mieux la neutraliser, j'ai adressé un courrier à la revue qui a été partiellement publié, en le modifiant, dans le numéro 21 de novembre 2000.


Texte adressé à la revue en juillet 2000:


Madame, Monsieur,

J'ai découvert votre revue grâce au dossier science et religion de juillet-août 2000. La couverture avançait une question «Science et foi, amies ou ennemies?» La présentation d'une question appelle l'instauration d'un débat contradictoire. Mais à la lecture du dossier il s'est avéré que le débat attendu avait cédé la place au développement d'une thèse unique. Les chercheurs conviés à s'exprimer sur le thème ont tous affirmé, avec des nuances, la possibilité et la nécessité d'une coexistence pacifique entre science et religion niant ainsi toute contradiction. Il eut été souhaitable d'informer le lecteur de l'existence d'une autre opinion, celle de scientifiques athées, dont je suis, considérant les religions comme des obstacles au développement libre de la pensée. Cette lacune enlève malheureusement à votre dossier toute originalité et n'en fait donc qu'un dossier de plus sur ce thème.

De manière générale, les publications qui traitent cette question à des fins consensuelles font appel à un nombre limité de chercheurs que l'on retrouve toujours d'une revue à l'autre. Ainsi trois des personnes interrogées intervenaient dans l'émission Bouillon de culture de mai 2000. L'absence de débat contradictoire entre recherche rationnelle et foi n'est-elle donc défendue que par une très faible minorité de scientifiques? Ma réponse est affirmative. Titulaire d'un doctorat en astrophysique (cosmologie) j'ai poursuivi mes recherches pendant deux années après ma thèse pour travailler ensuite dans une société d'informatique. C'est donc par expérience que je peux témoigner que l'athéisme y est très majoritaire.

Vous mentionnez néanmoins, page 49, que 80% des professeurs d'université aux États Unis croient en Dieu, chiffre fourni par le Vatican. Le chiffre étant donné par le Vatican, permettez que je vous indique une autre étude à la référence plus précise. La revue Scientific American a publié en septembre 1999 ses résultats montrant que 40% des scientifiques américains croient en Dieu. Ce chiffre est réduit à moins de 10% quand seuls les membres de l'Académie Nationale des Sciences sont pris en compte.

Les quelques scientifiques interrogés dans votre revue ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble de la profession mais constituent plutôt un alibi précieux des religions qui cherchent leur salut dans la concordance avec la science et dans l'œcuménisme pour assimiler la concurrence. Seule opinion ne s'inscrivant pas dans ce schéma d'entente cordiale, celle d'un Freud réduit à quelques lignes en guise de consolation.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir insérer ces remarques, ou d'autres similaires que vous auriez reçues, dans un numéro ultérieur de l'Actualité des Religions à la seule fin d'informer vos lecteurs de la diversité des opinions dans le milieu scientifique. Merci.

Sincères salutations




Texte publié par la revue en novembre 2000:


J'ai découvert votre revue grâce au dossier «Science et foi, amies ou ennemies?» de juillet-août 2000. La présentation d'une question appelle l'instauration d'un débat contradictoire. Mais il s'est avéré que le débat attendu avait cédé la place au développement d'une thèse unique. Les chercheurs conviés à s'exprimer affirmaient tous, avec des nuances, la possibilité et la nécessité d'une coexistence pacifique entre science et religion niant toute contradiction. Il eut été souhaitable d'informer le lecteur de l'existence d'une autre opinion, celle de scientifiques athées, dont je suis, considérant les religions comme des obstacles au développement libre de la pensée.




20 novembre 2000

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