Le seul salut pour l'extrême droite catholique : un miracle pour restaurer le règne de Marie...
Le 15 août et le 8 décembre, les christicoles fêtent Marie et, avec les rassemblements contre l'avortement, ces dates constituent la maigre pitance dont dispose l'extrême droite catholique pour regrouper ses rares troupes imprégnées du formol de la vieille France. Comme chaque année pour l'Assomption, les mariolâtres ont donc défilé à Paris, de Saint Nicolas du Chardonnet à... Saint Nicolas du Chardonnet. L'Assomption, pour l'instruction religieuse des mécréants et autres blasphémateurs, est la translation au ciel du corps de la "Vierge" Marie par les anges. Mais en cette année 2005, un autre évènement justifiait la mobilisation : le centenaire... de la naissance de Mgr Lefebvre, chef de file des occupants illégaux de Saint Nicolas du Chardonnet.
Plusieurs centaines de personnes ont promené dans les 5e et 6e arrondissements leur ressentiment contre une société que la Vierge Marie ne parvient désespérément pas à placer sous sa cornette. Au premier rang des processionnards était une cohorte d'ensoutanés, suivis de près par la fameuse Marie (enfin, une reproduction conforme à l'imaginaire imposé aux croyants), quelques religieuses à la mode Ancien régime montaient la garde peu après et une trentaine de bannières précédait enfin le reste de la triste confrérie. Pendant deux heures, ce ne furent que prières et lamentations en comptant fermement sur un miracle pour la restauration du christianisme en France, "la fille aînée de l'Eglise", puisque, comme l'a assuré un curé vêtu d'une robe de corvidé, "toute son histoire baigne dans le surnaturel" chrétien. D'ailleurs c'est en France "que la Vierge Marie a souvent choisi d'apparaître". Le défilé avait été entièrement placé sous le signe du recours au surnaturel chrétien.
Parmi les grenouilles de bénitier, des têtes féminines se couvrent pieusement de mantilles (noires ou blanches) ou de foulards plus bourgeois et quelques mains remuent compulsivement des chapelets. Un jeune couple ose la modernité en marchant main dans la main mais leurs bagues attestent de la licéité de leur mariage chrétien, aucun risque de relation hors du cadre du mariage chrétien donc. Les bannières honorent le bestiaire le plus archaïque du catholicisme : Clovis, Jeanne d'Arc, Pie IX et le culte du Sacré Cœur pour rassurer les cardiolâtres. Une halte est marquée place Saint Michel où un autel avait été installé devant la fontaine et un curé y lit le vœu exprimé par Louis XIII en 1638, à savoir faire de Marie la reine de la France, pendant que l'assistance, au garde à vous jusque là, met les deux genoux à terre. Que ce vœu n'ait, près de quatre siècles après, toujours pas été exaucé devrait inquiéter les papolâtres et les alerter sur l'impuissance mariale.
Quoiqu'il en soit, on n'a pas été avare de prières et de chants pour appeler à une rechristianisation de la société. Pour ce faire, l'école et l'armée constituent deux territoires à coloniser en priorité comme l'a exprimé la prière "Nous voulons Dieu" :
"Nous voulons Dieu dans nos écoles,
Pour qu'on enseigne à tous nos fils
Sa loi divine et ses paroles
Sous le regard du crucifix
[...]
Nous voulons Dieu dans notre armée;
Afin que le jeune soldat
En servant sa patrie aimée
Meure en chrétien dans le combat"
Probablement vexés par la publicité dont bénéficie Ben Laden et son djihad, c'est avec raison que les catholiques rappellent ici en fait que la guerre sainte n'est pas l'invention géniale du frère Oussama mais avait été théorisée bien avant par saint Augustin.
Aux abords du cortège, les passants sont interloqués : pour l'un "c'est surréaliste de voir ça à Paris" tandis qu'un autre s'interroge, "ils manifestent pour quoi ?", un sourire moqueur aux lèvres. Les mystiques eux n'en ont cure et comptent le plus sérieusement du monde sur un miracle pour qu'enfin, après tant d'attente et de pénitence, le vœu de Louis XIII se réalise. Les incroyants ne peuvent que souhaiter que l'extrême droite catholique se limite à la prière et à l'attente de solutions surnaturelles comme l'idée de Dieu, Jésus, les saints et leurs auréoles pour restaurer le christianisme. La laïcité peut demeurer sereine face au mythe de la Vierge Marie et de Jésus, son fils hors mariage, si une entorse aux lois de la physique est la seule garantie de salut pour l'extrême droite catholique.
25 août 2005
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