11'09''01, September 11, 2002
2002, fiche technique
11 réalisateurs de nationalités différentes réalisent 11 courts métrages de 11 minutes chacun sur le thème des attentats aux USA du 11 septembre 2001. Une idée intéressante et réussie. Par ordre de préférence:
Samira Makhmalbaf, Iran: excellent court métrage. Un institutrice peine à rassembler ses petits écoliers pour les faire s'exprimer sur les attentats alors qu'ils s'activent à façonner des briques dérisoires censées les protéger des bombardements des USA. Mais la simplicité et le naturel des préoccupations des enfants font jeter un autre regard sur l'événement: à la question de savoir quel est cet événement extrêmement important que nul ne doit ignorer, l'un d'eux répond sur la mort récente de deux hommes tombés dans un puit quand une petite fille propose plutôt la lapidation de sa tante en Afghanistan. Et c'est avec un grand talent que la réalisatrice fait prononcer aux enfants insouciants des réflexions d'une grande perspicacité sur les motivations étranges d'un Dieu qui fait mourir ses créatures.
Ken Loach, Angleterre: le mardi 11 septembre c'est aussi, et surtout, ce jour de l'année 1973 où l'armée chilienne a bombardé le palais présidentiel de La Moneda et renversé le président démocratiquement élu Salvador Allende. Pinochet, valet de Kissinger, prenait le pouvoir. Constitué d'images d'archives saisissantes, ce récit d'une très grande émotion est celui d'un chilien vivant à Londres après avoir subi les tortures des fascistes soutenus par les Etats Unis d'Amérique. Du très bon Ken Loach.
Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso: un registre très différent mais bienvenu où Idrissa Ouedraogo remplace la frénésie de la quête mondiale de Ben Laden par une recherche divertissante du terroriste par quelques gamins dans les rues de Ouagadougou. Mais la légèreté apparente du propos n'oublie pas de rappeler que l'Afrique souffre elle aussi de maux bien plus meurtriers et, ceux-là, permanents. Avec une conclusion savoureuse: Ben Laden étant apparemment trop difficile à trouver, mieux vaut enlever Georges Bush lors de son prochain voyage à Ouaga.
Amos Gitai, Israël: dans un plan séquence unique et virtuose, Amos Gitai fait le procès de la médiocrité d'une presse dont l'ambition réside essentiellement dans l'autosatisfaction de se mirer à l'écran. Ce 11 septembre, alors que les deux tours de New York s'effondrent, un attentat à la voiture piégée plonge un quartier de Jérusalem dans la panique, dramatique routine. Sauveteurs et policiers réagissent promptement malgré la présence d'une chaîne de télévision où le voyeurisme et le racolage ont remplacé le souci d'information.
Mira Nair, Inde: très bonne mise en image d'un fait réel. Un citoyen des Etats Unis d'origine pakistanaise est porté disparu après les attentats. Il ne fait aucun doute que le FBI tient là un terroriste d'autant plus qu'il est issu d'une famille musulmane. Mais les faits démentiront l'empressement des autorités à voir des terroristes partout: le jeune homme était en fait policier et ses restes ont été identifiés dans les décombres puisque, de par sa fonction, il avait porté secours aux victimes prisonnières des immeubles attaqués. Noter la dernière scène où, dans la mosquée, les femmes assistent à la cérémonie d'hommage au défunt derrière des paravents, isolées des hommes.
Danis Tanovic, Bosnie: le 11 de chaque mois est jour de manifestation pour les femmes rescapées de Srebrenica où plusieurs milliers de bosniaques musulmans ont été massacrés par les Serbes chrétiens orthodoxes sous le regard de la FORPRONU. Et en ce mois de septembre 2001, que vaut d'aller manifester quand le monde entier est rivé devant son écran de télévision et se soucie peu des drames de la Bosnie? Pourtant une jeune femme parviendra à lancer la manifestation, "pour nous et pour eux". Le malheur ne frappe pas qu'à New York et les morts de Srebrenica n'ont pas moins de valeur.
Shohei Imamura, Japon: les japonais ont eux aussi eu leur guerre sainte, en 1945 l'Empereur était leur dieu. Les soldats qui se sont battus pour le dieu vivant sont devenus des héros, même si la guerre a laissé en eux des séquelles d'inhumanité. L'un d'eux se prend désormais pour un serpent, se déplace, mange et s'exprime comme un serpent. Mais c'est un héros. Et une phrase implacable conclu le film: il n'existe pas de guerre sainte.
Youssef Chahine, Egypte: Youssef Chahine rappelle les innombrables crimes commis par les USA dans les quatre dernières décennies, qu'il s'agisse d'interventions militaires officielles ou de coups d'état préparés par la CIA. Avec bien sûr l'évocation de la Palestine et du Liban. Mais l'ensemble est un peu décevant.
Sean Penn, Etats Unis d'Amérique: la vie, la mort, le souvenir et la renaissance chez un vieil homme qui vit dans le souvenir de sa femme décédée. Raté.
Claude Lelouch, France: dans le fracas d'images et de sons autour des attentats, Lelouch met silencieusement en scène un couple, vivant à New York, d'une femme sourde et muette et d'un guide pour sourds et muets. Assez décevant malgré cette idée originale.
Alejandro Gonzalez Inarritu: un court métrage aussi lamentable qu'inacceptable où le réalisateur se moque du spectateur. L'écran est noir et le reste durant onze minutes, seuls quelques flashs montrent des corps en chute libre devant les tours du World Trade Center, accompagné des bruits sourds des impacts avec le sol, ainsi que des images de la catastrophe, des images déjà montrées à profusion par toutes les chaînes de télévision. Cet exercice s'apparente plus à de la fumisterie qu'à de l'avant garde. Aucune créativité, le plus grand vide conceptuel.
23 septembre 2002
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